Ludwig Beck et Carl Friedrich Goerdeler

 

A partir de 1938, le général d'armée Ludwig Beck et Carl Friedrich Goerdeler constituèrent la charnière des groupes de résistants militaires et civils. Tous deux occupaient déjà avant le régime nazi de hautes fonctions, Ludwig Beck dans la Reichswehr et Carl Friedrich Goerdeler dans l'administration, et au début ils furent en faveur du régime nazi. Puis ils s'en détournèrent et essayèrent de contrecarrer grâce à leurs fonctions les mesures prises par le régime hitlérien. Ils formèrent tous deux le noyau de l'un des groupes ayant participé à la conspiration du 20 juillet 1944.

Ludwig BeckLudwig Beck essaya d'influencer Hitler et les généraux afin d'éviter la guerre qui, et les généraux le savaient à partir de 1937, était l'objectif proclamé de Hitler pour conquérir de l'"espace vital" au peuple allemand. Il appela même tous les généraux allemands à menacer Hitler de démissionner s'il ne retirait pas ses plans de guerre, mais le chef suprême des forces armées von Brauchitsch, dont la décision était essentielle pour le reste des généraux, n'était pas prêt à faire ce pas de désobéissance collective. Ludwig Beck démissionna alors le 18 août 1938 de son poste de chef de l'état-major de l'armée de terre pour poursuivre sa lutte contre la dictature à l'extérieur de l'appareil militaire. Celui-ci fut en 1938 complètement mis au pas par Hitler, qui limogea tous les généraux s'opposant à sa politique agressive. Le régime continuait à procéder au réarmement massif de l'armée, et à préparer et commettre des crimes au nom du peuple allemand. Ludwig Beck entra alors définitivement dans la Résistance allemande et il fut prévu qu'il devienne chef d'État après l'élimination du dictateur. Le soir du 20 juillet 1944, après l'échec du putsch, on l'obligea à se suicider; grièvement blessé, il fut abattu par un adjudant.

Carl Friedrich GoerdelerCarl Friedrich Goerdeler, maire de la ville de Leipzig à partir de 1930, était convaincu déjà avant la guerre que le régime nazi allait conduire l'Allemagne vers une catastrophe économique, politique et surtout morale. Il décida en 1937 de démissionner de ses fonctions et de regrouper des amis qui partageaient ses convictions, afin d'organiser la chute du régime hitlérien. Il trouva un poste dans l'entreprise de Robert Bosch, dont il avait fait la connaissance auparavant, et qui participait à des actions d'assistance à des hommes et des femmes persécutés par la dictature. Son emploi de conseiller chez Bosch était une couverture idéale pour ses activités, car il lui permettait d'effectuer des voyages dans quasiment tous les pays européens, ainsi qu'aux États-Unis et au Canada, où il faisait tout son possible pour avertir les gouvernements étrangers, avant la guerre, du danger que représentait le régime nazi, et pour les convaincre de l'existence d'une "autre Allemagne". L'opinion internationale avait avant la guerre encore tendance à voir en Hitler une chance pour l'Allemagne, et on l'admirait partiellement pour sa victoire impressionnante contre le chômage, ce qui est l'une des raisons de l'échec des nombreuses tentatives des résistants allemands de trouver du soutien à l'étranger.
A partir de 1938, Carl Friedrich Goerdeler fut le centre de la résistance civile. Après un putsch, il devait prendre la fonction de chancelier du Reich. Parallèlement à sa critique du régime totalitaire nazi, il développa des projets pour la nouvelle Allemagne post-hitlérienne. Ses idées concernant le nouvel ordre politique de la société allemande s'approchaient des conceptions du cercle de Kreisau constitué autour de Helmuth James Graf von Moltke ; Goerdeler projetait une société consensuelle, reposant sur le partenariat, avec des instances de médiation autonomes. D'autre part, il était pour une Allemagne forte en Europe, mais dans une vision très humaniste, c'est-à-dire en tant que facteur de stabilité.
La Gestapo recherchait déjà Carl Friedrich Goerdeler avant le 20 juillet 1944. Il parvint à se cacher après l'échec du coup d'état, mais fut dénoncé et arrêté. Il fut condamné à mort le 8 septembre 1944, et exécuté le 2 février 1945.