Dès le début des années
30, les
communistes se mobilisèrent contre le NSDAP et tentèrent de convaincre les
militants nazis de rejoindre le parti communiste. Mais face à la montée
du nazisme, ils durent changer de tactique, et organisèrent de grandes
manifestations de protestation, qui donnèrent souvent lieu à des
affrontements entre les deux camps. L'union des partis de
travailleurs était problématique, car même si la base du parti
communiste allemand (KPD) et du parti social-démocrate (SPD) avait la volonté de former un front uni contre le nazisme, cette
union ne put voir le jour, car les dirigeants communistes traitaient les
sociaux-démocrates de "sociaux-fascistes", et les
sociaux-démocrates refusaient de se plier aux directives idéologiques de
Moscou. Le 30 janvier 1933, le jour de l'arrivée au pouvoir de Hitler, les
communistes lancèrent un appel à la grève générale et à des
manifestations de masse, qui fut suivi partout en Allemagne. Les nazis réagirent en
procédant à des arrestations, des perquisitions et des rafles.
Face aux mesures répressives prises par
le gouvernement nazi contre les communistes, ceux-ci durent se résoudre
à continuer le combat dans la clandestinité. Des réseaux clandestins se
mirent en place, mais la plupart furent démantelés très rapidement par
la Gestapo, qui disposait d'un très grand nombre d'informateurs. Dès
février 1933, l'incendie du Reichstag fut pris comme prétexte par les nazis pour
interdire le parti communiste et procéder à l'arrestation des cadres du
parti ; plus de la moitié des dirigeants du parti furent arrêtés
ou assassinés par la Gestapo. A la suite de l'arrestation de Ernst
Thälmann, chef du parti communiste allemand, au début du mois de
mars 1933, Moscou donna l'ordre aux cadres du parti de s'exiler, afin de
former une direction du parti à l'étranger, qui avait pour mission
d'apporter son soutien à la base du parti
restée en Allemagne. Walter Ulbricht, chef provisoire du KPD et futur
dirigeant de la RDA, s'exila en 1933 en Tchécoslovaquie pour y fonder une
antenne du parti, et rejoignit en 1936 Wilhelm Pieck, lui aussi futur
dirigeant de la RDA, à Paris, où avait été créée une autre antenne
du KPD. En 1939, ils trouvèrent refuge en URSS, où ils restèrent
jusqu'à la fin de la guerre.
En Allemagne, les membres du parti
tentèrent de déjouer la surveillance de la Gestapo pour former des
réseaux illégaux. Mais la police disposait de fichiers du parti
communiste, qu'elle avait réquisitionnés lors de rafles, et les
résistants furent arrêtés par milliers et envoyés dans les premiers
camps de concentration, que les prisonniers politiques communistes et
sociaux-démocrates furent obligés de construire.
La presse illégale fut la première activité des résistants
communistes, qui diffusèrent clandestinement des tracts et des
publications visant à convaincre la population allemande de se soulever
contre Hitler et de renverser le régime nazi. D'autre part, un réseau de
messagers fut mis en place ; ceux-ci avaient pour mission de faire
passer des informations sur le Reich à l'étranger, aux directions
exilées du parti, et de transmettre en Allemagne les nouvelles de l'étranger, afin de
contrer la propagande hitlérienne.
Les syndicats communistes essayaient de leur côté de mobiliser
clandestinement les travailleurs au sein des entreprises contre le
gouvernement nazi. Mais leur tâche était ardue, car certains membres du
parti s'étaient résignés à la victoire nazie, d'autres s'étaient
engagés dans le NSDAP, et les persécutions dont étaient victimes les
communistes en décourageaient plus d'un à continuer le combat. De plus,
l'implantation des syndicats communistes était très faible dans les
entreprises avant l'arrivée au pouvoir de Hitler, car la majorité des
membres du parti étaient alors au chômage, et les activistes ne purent former
de véritable contrepoids au nazisme dans les entreprises allemandes.
En 1935, le Komintern et le bureau
politique du KPD décidèrent de changer leur tactique contre le
national-socialisme, et de tenter de s'unir aux sociaux-démocrates afin
de former un front uni contre le nazisme. D'autre part, la structure
hiérarchique habituelle du parti, facile à démanteler par la Gestapo,
qui avait pu ainsi procéder à des arrestations par milliers, fut
abandonnée ; les résistants s'organisèrent en petites cellules,
dirigées par des instructeurs qui avaient été formés à cette tâche,
et qui fonctionnaient dans la clandestinité au sein des entreprises et à
la place des anciennes antennes locales du parti. Ces cellules recevaient
leurs directives des centrales du KPD coordonnées par le comité central
de Moscou et exilées à Amsterdam, Strasbourg, Luxembourg, Copenhague,
Prague, Paris et Stockholm, qui envoyaient clandestinement des messagers
en Allemagne. Ceux-ci traversaient la frontière tchécoslovaque grâce à
un réseau de passeurs ; cette organisation imprimait également des
tracts, qui étaient ainsi acheminés dans le Reich, et aidait des
réfugiés à fuir l'Allemagne. Le même type de réseau existait aux
frontières belge et néerlandaise, mais la Gestapo parvint à démanteler
ces organisations en 1935-36, grâce à l'infiltration d'espions.
En 1936, lors des Jeux Olympiques de
Berlin, qui furent pour les nazis un événement majeur de propagande, les
communistes organisèrent une grève dans une usine de Berlin, ce qui
contredisait la propagande hitlérienne, selon laquelle toute l'Allemagne
soutenait les nazis. La Gestapo fit en sorte que les journalistes
étrangers ne soient pas au courant de cette grève, et plaça à la suite
de cet incident des espions nazis dans toutes les usines, de façon à ce
que de tels mouvements de contestation ne puissent plus se reproduire.
Pendant la guerre, la plupart des pays
voisins étant occupés par les troupes allemandes, il devint de plus en
plus difficile de maintenir un contact entre les directions exilées du
parti et la base restée en Allemagne ; les cellules de résistants
communistes furent de plus en plus isolées et ne parvenaient que rarement
à recevoir les directives du parti. Les résistants communistes qui
travaillaient aux chemins de fer ou dans les compagnies de transport
fluvial ou maritime purent toutefois continuer à transmettre des
messages. De plus, les communistes disposaient d'un service
secret qui collectait des informations et les envoyait par radio aux
centrales de renseignements de Paris et Bruxelles, qui avaient des agences
dans tous les pays européens.
Le pacte de non-agression de l'URSS conclu par Hitler et Staline
le 23 août 1939 choqua et désorienta les résistants qui luttaient depuis six ans
dans la clandestinité ; une direction du parti indépendante de
Moscou fut créée en Allemagne en réaction à ce pacte, et son comité central envoya
des messagers dans les différentes cellules locales pour donner l'ordre
de poursuivre le combat contre le nazisme. Après l'attaque nazie de
l'URSS, la section communiste allemande renoua avec Moscou. Mais la volonté de ces résistants
communistes de provoquer un soulèvement de la population allemande contre
la guerre et le gouvernement nazi n'avait aucune chance de réussir,
étant donné qu'une grande partie des Allemands soutenait Hitler, qui
remportait une victoire après l'autre. La cote de popularité du
dictateur était telle pendant les premières années de la guerre, qu'une
révolution était irréalisable. Willi Gall, qui avait commencé à
organiser la résistance intérieure, fut arrêté en 1940 ; son
successeur, Wilhelm Knöchel, coordonna les activités des différentes
cellules à partir d'Amsterdam, puis s'installa à Berlin en 1941 ;
il fut arrêté en janvier 1943 et donna sous la torture des informations
aux nazis, ce qui mit en danger toute la résistance communiste et
fragilisa ses activités.
A la fin de la guerre, alors que les
troupes soviétiques s'approchaient de plus en plus de l'Allemagne, des
agents communistes furent parachutés dans le pays pour organiser la
résistance communiste. Et lorsque la zone d'occupation soviétique donna
naissance à la RDA, de nombreux communistes qui s'étaient exilés à
Moscou, dont Walter Ulbricht et Wilhelm Pieck, en devinrent les
dirigeants.
Principaux groupes de
résistance communistes :
L'Aide Rouge ("Die
Rote Hilfe")
Ce groupe, fondé à Paris par le résistant communiste Wilhelm
Beuttel, soutenait des personnes persécutées par le régime
national-socialiste. Wilhelm Beuttel, qui était retourné en 1942 en
Allemagne, travailla dans le groupe de résistance de Wilhelm Knöchel.
Il fut arrêté par la Gestapo en 1943 et exécuté en 1944.
Le groupe de Wilhelm Knöchel dans
la Ruhr
Wilhelm Knöchel, qui dirigeait depuis 1935 le comité exilé du
KPD à Amsterdam, rentra en 1941 en Allemagne pour réorganiser la
résistance communiste dans la Ruhr. Son organisation diffusa
clandestinement une publication antinazie, Le Combattant de la Paix
("Der Friedenskämpfer"), qui informait les Allemands
des crimes commis par les nazis et de la situation internationale, et
les incitait à se soulever contre Hitler, afin de renverser
eux-mêmes la dictature nazie. Wilhelm Knöchel fut arrêté par la
Gestapo en 1943 et fut exécuté en 1944, et son organisation fut
démantelée. Une cinquantaine de résistants qui travaillaient dans
ce groupe furent également arrêtés, torturés et assassinés.
Le groupe de Josef
(Beppo) Römer
Josef Römer publia à la fin des
années 20 un journal communiste, Élan nouveau ("Aufbruch") ;
il fut arrêté en mars 1933 et passa six ans en camp de
concentration. Après sa libération, il tenta d'organiser un attentat
contre Hitler et prit contact avec le cercle de résistance de Adam
von Trott zu Solz et celui de Robert Uhrig. En 1940, il créa un
groupe de résistance qui diffusait un journal clandestin, Service
de renseignements ("Informationsdienst"). Il fut
arrêté en 1942 et exécuté en 1944.
Le groupe de Robert Uhrig à Berlin
Robert Uhrig fut arrêté une première fois en 1934, parce qu'il
avait diffusé un journal clandestin et qu'il avait récolté des
fonds pour les familles de victimes des persécutions nazies. Il fut
libéré après 21 mois de travaux forcés et créa une organisation
de résistance en 1938 à Berlin ; son
objectif était de former des groupes de résistants communistes au
sein des entreprises. A partir de 1941, le groupe, qui comptait une
centaine de membres en 1940, et le double en 1942, a travaillé avec
d'autres mouvements, notamment l'organisation
Harnack / Schulze-Boysen, afin
de mettre en place un service de renseignements. La Gestapo a
démantelé l'organisation en 1942 ; une centaine de résistants,
dont Robert Uhrig, furent arrêtés, torturés, déportés en camp de
concentration, et furent
exécutés en 1944. Leur famille fut également arrêtée. Ceux qui purent échapper
aux persécutions se
joignirent au groupe de Anton Saefkow.
Le groupe de Walter Budeus
En 1936, Walter Budeus créa dans l'entreprise de métallurgie dans
laquelle il travaillait une organisation composée d'une cinquantaine
de résistants. A la fin des années 30, il prit contact avec Robert
Uhrig et Beppo Römer, afin de coordonner les activités des
différents groupes. Leur travail consistait à collecter des
informations sur l'industrie de guerre, diffuser des tracts et prendre
contact avec d'autres groupes de résistance. Walter Budeus fut
arrêté en 1942 et condamné à mort en 1944.
Le groupe de Bernhard Bästlein,
Oskar Reincke et Franz Jacob à Hambourg
En 1941-42, à leur libération de camp de concentration, Bernhard
Bästlein,
Oskar Reincke et Franz Jacob fondèrent une organisation de
résistance au sein des chantiers navals de Hambourg. Ce
groupe, qui diffusait des tracts antifascistes et envoyait des lettres
aux soldats stationnés au front de l'Est pour les inciter à refuser
de combattre, était en contact avec d'autres mouvements de
résistance, notamment l'organisation Harnack / Schulze-Boysen.
Arrêtés par la Gestapo en 1943, ils purent profiter des
bombardements alliés pour s'échapper et entrer dans la
clandestinité. Mais arrêtés à nouveau en 1944, une soixantaine de
résistants furent exécutés en 1944-45.
Le groupe de Anton
Saefkow et Franz
Jacob à Berlin
Fondé en 1943, ce groupe diffusa des tracts antifascistes et prit contact
en 1944 avec
Julius Leber et Adolf Reichwein, des résistants sociaux-démocrates
qui prenaient part au complot qui préparait l'attentat du 20 juillet
1944 contre Hitler. La Gestapo, qui avait infiltré un espion dans
cette organisation, arrêta le 22 juin 1944 Anton Saefkow, Franz Jacob, Julius
Leber et Adolf Reichwein. Des centaines de résistants de ce groupe
furent arrêtés et assassinés.
Le groupe de Theodor Neubauer et
Magnus Poser en Thuringe
Cette organisation, créée en 1942, était en contact avec d'autres groupes de
résistance, par exemple avec un groupe de l'université de Iéna,
ainsi qu'avec un groupe du camp de concentration de Buchenwald, et put
ainsi envoyer de la nourriture, des tracts, mais aussi des
armes aux prisonniers. Theodor Neubauer, qui avait été interné
plusieurs années en camp de concentration avant de créer ce groupe
de résistance, fut arrêté en 1944 et exécuté en 1945.
Le groupe de Georg Schumann et Otto
Engert à Leipzig
Ce groupe était en contact avec des prisonniers de guerre russes
et des travailleurs de force étrangers, ainsi qu'avec l'organisation
de Harro Schulze-Boysen, celle de Theodor Neubauer et Magnus Poser en
Thuringe et celle de Anton
Saefkow à Berlin. L'objectif
principal du groupe de Leipzig était d'unifier les divers mouvements
de résistance communistes, mais cette tentative ne put aboutir en
raison de la surveillance qu'exerçait la Gestapo.
Comité national de l'Allemagne
libre (Nationalkomitee Freies Deutschland", NKFD)
Ce comité fut fondé en 1943 par la section politique de l'armée
soviétique et par le comité central du KPD exilé à Moscou ;
ses objectifs étaient, au moyen d'un travail de propagande, de détourner
les prisonniers de guerre allemands du nazisme et d'encourager les
soldats allemands à déserter. Le NKFD tentait de rallier toutes les
tendances politiques à l'union contre Hitler ; dans ses rangs,
on ne comptait pas uniquement des communistes, mais aussi, par
exemple, une centaine de pasteurs, prêtres et étudiants en théologie
de la Wehrmacht, prisonniers dans les camps russes, qui se sont joints
au NKFD en raison des persécutions dont étaient victimes les
Églises dans le Reich. Les communistes, notamment Wilhelm Pieck et
Walter Ulbricht, futurs dirigeants de la RDA, ont finalement pris
la tête du NKFD, qui est devenu un instrument de propagande entre
les mains du gouvernement soviétique.
L'organisation Allemagne libre ("Freies
Deutschland")
Ce groupe, fondé à Cologne en 1943 par un réseau de résistants
communistes, comptait plus de deux cents membres, et rassemblait des
résistants de tous les horizons politiques et idéologiques. Des
tracts incitant la population allemande à commettre des sabotages,
afin d'enrayer la machine de guerre nazie, et encourageant les soldats
à déserter, furent distribués, et les résistants apportèrent leur aide aux travailleurs de force étrangers
prisonniers en Allemagne. La Gestapo arrêta de nombreux membres du
groupe, qui se disloqua progressivement.
Organisations
résistantes indépendantes du KPD
Parti communiste allemand
oppositionnel ("Kommunistische Partei Deutschlands
(Opposition), KPO)
L'aile droite du KPD avait été exclue du parti en 1928 et avait
fondé une organisation communiste indépendante, le KPO. Après
l'arrivée au pouvoir de Hitler, seuls quelques militants désignés
par les cadres du parti s'exilèrent en France, où ils fondèrent un
comité exilé ("Auslandskomitee", AK) en contact,
grâce à un réseau de messagers, avec la base du parti, qui
poursuivait clandestinement ses activités en Allemagne. Un comité du
KPO, qui siégeait à Berlin, se chargeait de coordonner les
activités des cellules locales du parti. La structure à la fois
hiérarchisée et morcelée du parti permit d'éviter les grandes
rafles de la Gestapo. Les objectifs principaux du KPO étaient de
transmettre des informations sur le régime hitlérien et de
travailler en collaboration avec les résistants exilés à l'union
des travailleurs contre le nazisme. Des tracts furent distribués, et
les membres du parti avaient pour mission de créer des syndicats
clandestins dans les entreprises dans lesquelles ils travaillaient.
Lorsque le contact avec le comité exilé fut rompu en raison de
l'occupation de la France par les troupes allemandes, le KPO prit
contact avec d'autres organisations de travailleurs, notamment avec
les sociaux-démocrates, afin de créer des syndicats clandestins, et
de distribuer des tracts visant à mobiliser la population allemande
contre Hitler.
L'Orchestre Rouge ("die Rote
Kapelle")
A partir de la fin de l'année 1941,
l'organisation Harnack / Schulze-Boysen coopéra avec les bureaux
des renseignements soviétiques de Paris et Bruxelles, sans que ses
membres deviennent pour autant des agents soviétiques et perdent leur indépendance,
comme les autorités nazies l'ont prétendu par la suite. La Gestapo nomma
ce groupe de résistance L'Orchestre Rouge ("die Rote
Kapelle").
Le groupe de Herbert et Marianne
Baum
Herbert Baum et sa femme Marianne, qui luttaient depuis 1933 au
sein des jeunesses communistes, fondèrent en 1938-39 un groupe de résistance,
dont les membres, des adolescents juifs proches du communisme,
diffusèrent des tracts antifascistes et mirent le feu à une
exposition anticommuniste organisée à Berlin dans le cadre de la
propagande nazie, Le Paradis soviétique ("Das
Sowjetparadies"). Les jeunes gens furent arrêtés en
1942 ; une vingtaine d'entre eux furent exécutés, certains,
comme Herbert Baum, se suicidèrent dans leur cellule, et les autres
résistants moururent en camp de concentration. Les représailles de
la Gestapo ne s'arrêtèrent pas là : 500 juifs berlinois furent
déportés en camp de concentration à la suite de cette action.